Rappel des nouvelles dispositions applicables à la disproportion d’un engagement de caution

Droit commercial  | 04 juillet 2025

Évolution notable : on passe d’une sanction par la nullité de l’engagement de caution à une sanction par sa réduction

Depuis le 1er janvier 2022, les conséquences d’un engagement de caution jugé manifestement disproportionné ont été fondamentalement modifiées.

Les dispositions nouvelles concernent les engagements de caution consentis à compter du
1er janvier 2022, de sorte que les contentieux concernés sont encore limités.

Ce « nouveau régime » a toutefois vocation à se généraliser dans les mois et années qui viennent, de sorte qu’un rappel des dispositions applicables s’impose.

Jusqu’alors, les règles de proportionnalité de l’engagement de caution prévues par l’article L.322-1 du Code de Consommation interdisaient à un créancier professionnel de se prévaloir d’un engagement de caution manifestement excessif par rapport aux biens et revenus de l’intéressé, au moment de la souscription de l’engagement.

Le créancier gardait toutefois la possibilité de mettre en œuvre la garantie qui lui avait été consentie, s’il était en mesure de démontrer qu’au moment de son appel, la caution disposait d’un patrimoine suffisant pour faire face à son engagement.

Cette règle visait à protéger la caution, personne physique, d’une atteinte excessive à son patrimoine.

Tant que l’engagement restait proportionné aux capacités financières de la caution, il était considéré que le créancier était légitime à se prévaloir de cette garantie.

En revanche, dans l’hypothèse en laquelle l’engagement de caution était jugé manifestement disproportionné aux biens et revenus du garant, ce dernier se trouvait protégé.

Sous cet « ancien régime », la sanction d’un engagement manifestement disproportionné de la caution était, pour le créancier, tout à fait radicale : il n’était plus autorisé à se prévaloir de cet engagement de caution et, dès lors, perdait purement et simplement la garantie consentie.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, dans le cadre de la refonte du droit des sûretés, est venue modifier de manière profonde cette approche.

En effet, l’article 2300 du Code Civil est désormais libellé comme suit :

« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. »

D’un point de vue formel, il convient de relever que cette nouvelle rédaction s’accompagne d’un déplacement de la règle de proportionnalité, du Code de la Consommation vers le Code Civil.

Ce changement traduit sans doute une volonté d’unifier le régime juridique du cautionnement et d’élargir son champ d’application.

En effet, ce déplacement confère à la protection consentie une portée plus générale et renforce, par conséquent, la cohérence du droit des sûretés consentie par des personnes physiques.

La conséquence de la disproportion manifeste d’un engagement de caution n’est désormais plus aussi radicale que par le passé.

En effet, le créancier conserve la possibilité de se prévaloir de l’engagement qui lui a été consenti. Toutefois, cet engagement sera réduit par le Juge du fond, à hauteur du montant auquel il considèrera que la caution pouvait légitimement s’engager au moment de la souscription de son engagement.

Curieusement a été supprimée de ce nouveau mécanisme l’éventualité d’un « retour à meilleure fortune » de la caution, entre la date de la souscription de son engagement et la date à laquelle celui-ci est appelé par le créancier.

Désormais, la seule date pertinente est celle de la souscription de l’engagement de caution, ce qui, il est vrai, simplifiera le traitement des dossiers par les juridictions.

En contrepartie de cette simplification, une mission « technique » est désormais confiée au Juge, à savoir : évaluer précisément l’écart entre l’engagement souscrit et les capacités réelles de la caution au moment de cette souscription.

Le risque de ce nouveau dispositif est de conduire à des jurisprudences très différentes d’une juridiction à l’autre. Toutefois, les décisions à intervenir des Cours d’Appel permettront vraisemblablement d’uniformiser, à tout le moins pour partie, la jurisprudence.

Espérons le…

En conclusion, les nouvelles dispositions applicables aux engagements de caution souscrits depuis le 1er janvier 2022 semblent présenter un juste équilibre entre la protection nécessaire des cautions et la sécurisation des créanciers.

Elle responsabilise par ailleurs davantage les établissements financiers, bénéficiaires des engagements de caution, en ce sens qu’une attention toute particulière devra être apportée à la solvabilité de cette dernière au moment de la souscription de son engagement.

Nous attendons toutefois avec impatience les décisions à intervenir.

Maîtres Stéphane BONIN et Jawed DEBBOUZA

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